Le Bucentaure

23/12/2016 20:43

Le Bucentaure était un bâtiment de parade vénitien de très grand luxe qui était utilisé par les doges de Venise pour la célébrer le jour de l'Ascension, le mariage du doge avec la mer. Cette cérémonie symbolisait la domination maritime de Venise. Cette coutume remonte au XIIe siècle et quatre bateaux de ce type furent construit au cours des siècles qui rivalisèrent de luxe et de magnificence (1311, 1526, 1606 et 1727).

Le Bucentaure était une sorte de galère très haute sans mât ni voile, desservie par des rameurs et couronnée par une estrade demi-circulaire d'où chaque année le doge jetait un anneau d'or dans l'Adriatique comme signe qu'il l'épousait.  Il tirait son nom de ce qu'il portait à la proue l'image d'un centaure ayant le corps d'un bœuf au lieu de celui d'un cheval. Le dernier navire était le plus majestueux des quatre navires construits. Il mesurait près de 35 m de long, pour plus de 7 m de large, et près de 9 m de haut. Mu par 168 rameurs répartis sur les 42 rames de 11 m de long chacune, il était commandés par trois amiraux qui se répartissaient sur les deux ponts du navire. Sur le pont supérieur, couvert par un baldaquin, se trouvaient les 90 dignitaires représentant les plus hautes autorités de la ville, et le doge assis sur son trône du doge.


Francesco GUARDI - Le Départ du Bucentaure vers le Lido de Venise, le jour de l'Ascension

Lors de la première campagne d'Italie, le Directoire de la France veut déstabiliser la redoutable République de Venise afin de la dépouiller sans la renverser, mais le général Bonaparte ne l'entend pas de cette oreille et choisit de s'emparer de la ville pour récupérer sa marine bien équipée et aussi bien sûr la rançonner afin de remplir les caisses vides de l'armée d'Italie, mal nourrie et mal équipée. Mais les Vénitiens ne se veulent pas se laisser faire et le 17 avril 1797, aux vêpres de Pâques, les Vénitiens (essentiellement les Véronais) se révoltèrent contre l’armée française et massacrent tous les Français isolés qui vivaient dans les maisons particulières de Vérone. Cet épisode est connu sous le nom de Pâques véronaises. Napoléon en profite pour déclarer la guerre à la ville et il envahit les États de Venise le premier jour de mai 1797.

Après plus de mille ans d'indépendance, la République tombe, la ville se rend et le doge abdique. Pour les aristocrates vénitiens qui monopolisaient le pouvoir et les richesses, Napoléon est vu comme une abomination alors que pour la population pauvre et juive de Venise, il est perçu comme un libérateur. Le Ghetto juif est ouvert et les Juifs sont libres de circuler (voir article précédent).

Hormis le pillage d'oeuvre d'art comme les Noces de Cana de Véronèse (toujours au Louvre) ou le fameux quadrige, Napoléon décide de détruire le vaisseau du doge, le Bucentaure, pour marquer d'un geste politique fort la conquête de la cité, mais aussi pour en extraire l'or qui couvre ses boiseries. Les soldats français cassèrent en petits morceaux les portions sculptées en bois et les décorations dorées du bateau, les amenèrent par charriot sur l'île de San Giorgio Maggiore pour y être incinérées afin d'en retirer l'or. Il fallut 400 mules pour transporter l'or. Le vaisseau brûla durant 3 jours et les seuls éléments décoratifs qui survécurent aux flammes sont préservées dans le Museo Civico Correr de Venise.


Destruction du vaisseau par les flammes (G. Rava)

Une maquette du vaisseau a été réalisée et se trouve à l'Arsenal de la ville, mais la ville veut reconstruire son navire mythique et la Fondation Bucentaure a été créée à cet effet. Le 15 mars 2008, les travaux de construction ont débuté dans l'un des pavillons de l'arsenal de Venise. Pour se faire un peu pardonnée, la France a fourni 600 chênes venant des forêts d'Aquitaine.

Un navire de guerre français s'appelera en 1803 le Bucentaure. Il était le vaisseau-amiral français en 1805 lors de la bataille de Trafalgar et sera mis hors de combat par Nelson et coulera après la bataille. On ne sait pas si Napoléon avait voulu ici redonner vie au Bucentaure vénitien qu'il avait détruit 6 années plus tôt.

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Frank Grognet Nivelles
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