A corps perdu!
Maintes historiens ont refait inlassablement le déroulement de la bataille de Waterloo, l'interprétation des ordres, la disposition des troupes, l'état du terrain, mais on oublie que les belligérants ont déjà derrière eux plusieurs jours de campagne, qu'ils sont fatigués aussi bien physiquement que moralement après des années de guerre, mal informés car les ordres arrivent lentement et doivent être parfois interprétés et surtout ils doivent prendre des initiatives, agir et prendre des décisions rapidement.
Nous sommes le 18 juin 1815, il est 13h. Cela fait déjà plusieurs heures que la bataille a commencé. La grande batterie s'étale devant les divisions du Ier corps du Général Comte Drouet d'Erlon et crache l'enfer de ses 80 bouches à feu. L'ensemble du charroi de la batterie est disposé devant les divisions. On se bat farouchement à Hougoumont. Les divisions du corps sont l'arme au pied attendant le signal de l'attaque, ils ont hâte d'en découdre. Soudain le premier corps s'ébranle, il est 14h. Les 17.600 hommes du Ier corps, galvanisés par leur empereur, disposés en quatre divisions se frayent un chemin au travers des 450m occupés par le charroi et les canons qui arrêtent momentanément de cracher leurs boulets de mort. D'ouest en est les divisions de Quiot, Donzelot, Marcognet et Durutte se déploient en colonnes de division par bataillon flanquées des cavaliers de Jaquinot. Une masse compacte qui s'avance imperturbable dans la plaine accidentée.
La formation des divisions a fait couler beaucoup d'encre car pour beaucoup trop compacte pour pouvoir manœuvrer facilement et mal appropriée à une attaque de cavalerie. En effet, contrairement à l’usage, les trois divisions de droite vont progressé dans cette formation très compacte qui ne disposait pas de suffisamment d'intervalle en profondeur. Certains historiens ont même comparé cette formation à la fameuse phalange macédonienne qui a fait la gloire du célèbre Alexandre.
Cette formation a l’énorme avantage de permettre d'élargir le front d'attaque assez rapidement pour un assaut final sur une longueur de front plus grande. Par contre, elle ne permet pas de se réorganiser en carrés pour s’opposer efficacement à une contre-attaque de cavalerie. Certains historiens pensent que les Français étaient trop confiants en leur supériorité et ont sous-estimé la possibilité d'intervention efficace de la cavalerie britannique.
La suite on la connait, sur ordre de Wellington, la Union brigade du corps de cavalerie de Lord Uxbridge commandée par le Major-general Sir William Picton (voir article correspondant) s'élance et met en déroute les trois divisions françaises de droite (Donzelot, Marcognet et Durutte) qui se replient en désordre. Restée seule et isolée, la division de Quiot doit se replier également. L’attaque principale a échouée.