Gardez la cadence!
Le tambour-major est le sous-officier chargé de diriger une formation musicale militaire. Il est en tête de colonne, portant fièrement son uniforme rutilant et dégoulinant de dorures et de panaches, et est muni de son bâton qu'il fait virevolter pour marquer la cadence.
Quoi de plus prestigieux qu'être le tambour-major de la plus illustre phalange armée de son époque?
Ce fut le cas de Jean Nicolas Sénot qui fut pendant 15 années le tambour-major du prestigieux 1er régiment de grenadiers à pied de la Garde impériale.
Sénot fera toutes les campagnes de l'Empire à la tête de cette prestigieuse batterie de tambour et assura tous les services d'honneur de l'Empire.
Jean-Nicolas Sénot est né le 4 avril 1761 à Salins les Bains (Jura) et s'engage à l'âge de 17 ans au régiment Royal d'Austrasie. Il est nommé sergent la même année en 1778. Grâce à quelques rudiments de tambour, il est promu tambour-major de ce même régiment le 4 juin 1784. Nommé lieutenant le 12 avril 1792 et au vu des événements se déroulant en France à cette époque, ne voulant y prendre part, il démissionne le jour même de sa nomination au grade de capitaine. Il reprend du service après la tourmente révolutionnaire et se réengage comme tambour-major le 11 juin 1797 au régiment fraîchement créé des Guides de Bonaparte. Versé dans la Garde Consulaire, il est nommé le 21 janvier 1800 tambour-major des Grenadiers de la Garde consulaire, transformé le 18 mai 1804 en 1er Régiment des Grenadiers à Pied de la Garde Impériale.
Il sera décoré de la fameuse légion d'honneur des mains même de l'Empereur le 28 avril 1806. Napoléon avait une estime sincère pour Sénot qu'il appelait affectueusement Mon beau et brave Sénot.
Lors de la terrible campagne de 1812, Sénot failli mourir d'épuisement dans l'hiver russe pour finalement être nommé en 1814, lieutenant au bataillon d'instruction de la Garde. Il reprendra du service durant la campagne de Belgique comme commandant d'un bataillon du 2e Grenadier à Pied de la Garde à Waterloo.
Après un service actif impressionnant de 33 ans dont 14 passées à la tête de colonne du 1er Grenadier de la Vieille Garde, Jean-Nicolas Sénot prendra se retraite définitive le 1er juillet 1815, avec le grade de capitaine, à l'âge de 54 ans. Il meurt le 23 septembre 1837 à Melun à l'âge de 76 ans.
Pour l'anecdote, on voit le beau et brave Sénot dans plusieurs tableaux dont le fameux Une revue sous l'Empire de Bellangé où apparaît l'illustre tambour-major dans sa splendide grande tenue qu'il ne mettait que très rarement pour ne pas l'abimer vu son coût excessif. De manière incorrecte, on le représente comme un géant brun alors que Sénot était blond et avait juste la taille requise pour entrer dans les grenadiers de la Garde soit 5 pieds 3 pouces ce qui correspond à 1m75.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la mission d'un tambour-major n'est pas que de prestige ou de parade mais il joue aussi un rôle essentiel de transmission des ordres pendant les combats. C'est ainsi que le Capitaine Coignet relate dans ses mémoires que pendant la bataille d'Austerlitz, sur les pentes du plateau de Pratzen, les tambours dirigés par M.Sénot, leur major, un homme accompli, battaient la charge à rompre les caisses et les tambours et la musique se mêlaient. C'était à entraîner un paralytique !
Coignet raconte également qu'à la bataille d'Eylau, M.Sénot, notre tambour-major, était derrière nous à la tête de ses tambours. On vint lui dire que son fils était tué. C'était un jeune homme de seize ans. Il n'appartenait encore à aucun régiment, mais, par faveur et par égard pour la position de son père, on lui avait permis de servir comme volontaire parmi les grenadiers de la Garde. Tant pis pour lui ! s'écria M. Sénot, je lui avais dit qu'il était encore trop jeune pour me suivre. Et il continua à donner l'exemple d'une fermeté inébranlable. Heureusement, la nouvelle était fausse : le jeune homme avait disparu dans une file de soldats renversés par un boulet, et il n'avait aucun mal. Je l'ai revu, depuis, capitaine adjudant-major dans la Garde.