Sauve-t-on la mère ou l'enfant?

21/11/2015 20:32

Le fils de Napoléon et de Marie-Louise est un enfant de nuit de noces. L'Impératrice est tombée enceinte lors de la première nuit passée au château de Compiègne, en avril 1810, suite au mariage.

Durant la grossesse qui se passa sans le moindre souci, les souverains choisirent le titre de leur futur enfant: roi de Rome si c'est un garçon et princesse de Venise s'il s'agit d'une fille.

Le 19 mars, vers 20 heures, les premières contractions ont commencé et l'on sent que le dénouement est imminent. Napoléon est très nerveux et n'ose espérer avoir un fils. Il s'informait en permanence de quelque indice qui pouvait confirmer le sexe de l'enfant. À cinq heures du matin, les douleurs s'intensifient. On avertit en urgence l'Empereur qui est dans son bain. L'accouchement dura au total douze longues heures. Aucune sage-femme ne fut autorisée vu l'étiquette impériale et le médecin personnel de l'Empereur, Jean-Nicolas Corvisart, était allé se coucher. Seul restait à officier, l'accoucheur attitré, le Docteur Baron Antoine Dubois.

L'accouchement se présente mal, c'est un siège, l'enfant naît par les pieds. La poche amniotique se crève et les minutes de l'enfant et de la mère sont comptées. A sept heures du matin, le Baron Dubois entre dans le cabinet où reposait momentanément Napoléon sur une ottomane. Il lui annonce d'un air effrayé que l‘Impératrice est en grand danger, et que l’enfant se présente mal.

Mais dans les nombreux accouchements où vous avez assisté, n'avez-vous jamais rien vu de semblable?

Sûrement oui, mais seulement une fois sur mille, et jugez combien il est affreux pour moi que ce cas si extraordinaire se présente pour l'Impératrice.

Eh bien, traitez-la comme si elle était une marchande de la rue Saint-Denis, c'est la seule grâce que je vous demande; oubliez qu’elle est impératrice. Conduisez-vous exactement comme si vous attendiez le fils d'un savetier.

Mais, puis-je apposer les fers, et si de nouveaux accidents se présentent, dois-je sauver la mère ou l’enfant?

Sauvez la mère, ne pensez qu'à la mère. La nature n'a pas de loi.

L'accoucheur dut faire appeler le médecin Corvisart et dut utiliser les forceps pour extraire l'enfant ce qui fit hurler de douleur Marie-Louise.

Parce que je suis impératrice, me sacrifiera-t-on ?

Après 26 minutes de travailavec les ferrements, l'enfant vient au monde à 9h15 du matin. On le crut mort car il resta près de 7 minutes sans donner aucun signe de vie. Dans la confusion et au mépris de l'étiquette, le nouveau-né moribond fut laissé sur le plancher tant la mère avait retenu l'attention. C'est Corvisart qui arrivant faillit trébucher sur le petit corps, le prit et s'activa alors de son mieux pour le ramener à la vie à l'aide de frictions, de serviettes chaude et aussi de quelques gouttes d'eau de vie dans la bouche... qui se révélèrent efficaces. L'Empereur ravi d'avoir enfin un héritier lança à son valet Constant:

Eh bien Constant, nous avons un gros garçon ! Mais il s'est fait joliment tirer l'oreille, par exemple...

La réaction de Napoléon pour sauver l'Impératrice était contraire à l'usage qui était de sauver l'enfant et pas la mère; Napoléon pensant que Marie-Louise pouvait lui donner d'autres héritiers. Une telle réaction fut très appréciée par toutes les femmes françaises. Il faut savoir qu'à l'époque la mort en couches était la première cause de mortalité des femmes.

Le Prince Archichancelier Cambacérès dicta l'acte de naissance qui fut signé par les deux témoins, le Vice-roi d'Italie Eugène de Beauharnais et le Grand-duc de Wurzbourg, oncle de Marie-Louise.

Le nouveau-né reçut le titre de Roi de Rome, titre lourd de signification. En effet, Napoléon a voulu ici affirmer la primauté de l'Empereur sur le Pape dépossédé de la Ville éternelle, et sur le Habsbourg François Ier qui avait porté le titre de chef du Saint Empire romain germanique. Mais hormis ce titre, le bambin se vut affubler de plusieurs prénoms illustres:

  • Napoléon (obligé bien sûr)
  • François (son grand-père maternel, l'Empereur d'Autriche)
  • Charles (son grand-père paternel, le père de Napoléon)
  • Joseph (prénom de son parrain, Roi des Espagne et des Indes, frère de Napoléon).

Selon la tradition, ordre est donné de tirer 101 coups de canons protocolaires pour la naissance d'un fils contre 21 seulement pour une fille. Au 22e coup tiré, le peuple parisien laisse éclater sa joie. On répète les salves dans toutes les grandes villes et ports de l'Empire, les bâtiments sont pavoisés, toutes les cloches de l'Empire sonnent sans discontinuer du matin au soir et des feux d'artifices sont tirés partout.

Au cas où le nourrisson viendrait à mourir prématurément, l'Empereur va organiser un baptême de précaution pour l'ondoiement de son fils dès 9 heures du soir au Palais. Par ces actes, Napoléon frappe ainsi les esprits en rétablissant la coutume dynastique.

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Frank Grognet Nivelles
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