Pas avec les doigts!

25/03/2017 11:15

Depuis la nuit des temps, l'homme a toujours mangé sa nourriture en utilisant ses mains pour la porter à la bouche. Cette pratique va perdurer durant les siècles. Le couteau sera utilisé pour piquer le morceau désiré sur le plat qui sera dégusté à pleine main! Bien qu'existant depuis la Rome antique et apparues dans leur forme actuelle dans l'Empire byzantin et en Italie au XIe siècle, la fourchette ne fait son apparition en France à la Cour qu'en 1574 et uniquement pour consommer des poires cuites. Introduite selon la légende par Catherine de Médicis ou Henri III, elle ne sera utilisée avec régularité que lentement. Il faut dire qu'elle est perçue au départ comme une marque d’excentricité étant donné qu'elle servait qu'à piquer dans le plat le morceau porté ensuite à sa bouche avec ses doigts. Beaucoup craignaient la fourchette pour les blessures qu'elle pouvait causée avec ses dents, n'oublions pas qu'à l'époque on pouvait mourir d'une simple infection occasionné par une coupure. La fourchette va prendre son envol avec le port de l'encombrante et immaculée fraise permettant de mieux porter les aliments à la bouche. Toutefois, même si à la Cour de Louis XIV, chaque convive avait une fourchette à la gauche de son assiette, personne ne l'utilisait pas, car le roi préférait toujours manger avec les doigts qu'il posait sur une serviette humide entre chaque plat. La fourchette dut également faire face à l'hostilité du clergé bien pensant qui voyait jusqu'au XVIIIe siècle cette ustensile comme l'instrument du diable incitant au péché de gourmandise, mais voyons! C'est le siècle des Lumières qui consacrera définitivement le couvert.

Néanmoins, plusieurs témoignages attestent que Napoléon n'hésitait pas à manger avec ses doigts ses aliments à la grande surprise de ses hôtes.

L'Empereur désignait d'un geste le plat dont il voulait être servi, sans tenir compte de l'ordre habituel. Il passait volontiers du potage à l'entremets, pour revenir ensuite aux entrées ou au rôti, se servant beaucoup de ses doigts, trempant son pain dans les sauces, s'essuyant sur la nappe ou sur sa culotte, avalant de grosses bouchées qu'il ne prenait pas le temps de mâcher.

En 1815, le médecin anglais qui se trouvait à bord du navire qui l'emmenait à Sainte-Hélène racontait qu'il l'avait vu dévorer en quelques secondes une côtelette de mouton...sans se servir ni de son couteau ni de sa fourchette, comme un bandit corse. Shocking!

Dans ses Mémoires, le valet Constant disait sur cette habitude singulière de Napoléon:

Il s'en fallait de beaucoup que l'Empereur mangeât proprement. Il se servait volontiers de ses doigts au lieu de fourchette ou même de cuiller; on avait soin de mettre à sa portée le plat qu'il préférait. Il prenait à même, à la façon que je viens de dire, trempait son pain dans la sauce et dans le jus, ce qui n'empêchait pas le plat de circuler; en mangeait qui pouvait, et il y avait peu de convives qui ne le pussent pas. J'en ai même vu qui avaient l'air de considérer ce singulier acte de courage comme un moyen de faire leur cour.

Certains prétendent que l'Empereur aurait dit lors du passage de la Bérézina:

J'aimerais mieux manger le reste de la campagne avec mes doigts que de laisser une fourchette à mes armes aux Russes.

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