Mot de Cambronne

06/07/2015 18:38

Le fameux mot de 5 lettres en question a-t-il vraiment été dit par Cambronne le soir du 18 juin 1815 sur le champ de bataille de Waterloo ? Et qu'en est-il de la fameuse tirade légendaire lancée en réponse aux injonctions britanniques de se rendre: La Garde meurt mais ne se rend pas!

Je crains devoir répondre par la négative à ces questions au risque de faire voler en éclats une légende de plus. Mais cette légende n'a qu'une origine malheureusement romanesque.

En effet, 6 jours après la défaite cinglante, le Journal Général de France publie sous la plume d'un journaliste, Michel Balisson de Rougemon, un récit de la bataille dans lequel on retrouve pour la première fois la fabuleuse tirade:

La garde impériale meurt et ne se rend pas. La garde impériale et le Général Cambronne n'existent plus.

L'information est relayée au niveau des Chambres. On cite le Général de brigade Cambronne, Commandant du 1er Chasseurs à Pied de la Garde. Mais stupeur, le général est vivant et fait prisonnier, il n'est donc pas mort. Quel embarras!

On chuchote également que devant l'insistance du Général britannique Colville à déposer les armes, Pierre Cambronne aurait oublié ses bonnes manières d'officier impérial et aurait crié comme ultime réponse, dans le feu de l'action, son fameux Merde!

Mais le principal intéressé a toujours vivement contesté cette thèse prétendant n'avoir pas pu dire La Garde meurt mais ne se rend pas, pour la bonne et simple raison que je ne suis pas mort et que je me suis rendu!

Un autre témoignage vient renforcer cet avis. Le Colonel Halkett qui commandait à cheval la brigade de Landwehr hanovrienne a affirmé sa vie durant qu'à la tête de son bataillon d'Osnabrück il aperçut un officier général ennemi se déplaçant devant son carré de grenadiers qu'il saisit par le col (ou les aiguillettes, les témoignages divergent) pour le ramener prisonnier dans les rangs de son bataillon. Cet officier était le Général Cambronne.

Il y a bien le témoignage du Grenadier Antoine Deleau du 2e régiment situé ce jour-là à quelques mètres de son commandant qui l'aurait entendu prononcer les répliques illustres, mais voilà, ce témoignage est très tardif, 22 juin 1862, et coincïde avec la publication de la première édition des Misérables de Victor Hugo qui ramena au devant de la scène la bataille de Waterloo dans l'imaginaire populaire.

Dire ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! car c’est mourir que de le vouloir, et ce n’est pas la faute de cet homme, si, mitraillé, il a survécu. (…) L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne. Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre.

Blessé à Waterloo, le Général Cambronne sera fait prisonnier et emmené en Angleterre. Soigné par Mary Osburn, une infirmière d'origine écossaise, durant sa captivité, Cambronne finira par l'épouser. De retour en décembre 1815, il passera devant le conseil de guerre le 26 avril 1816 et sera acquitté. En 1819, le Roi Louis XVIII le fera chevalier de Saint-Louis. En 1823, il prendra sa retraite et s'établira à Nantes, sa ville natale, où il s'éteindra le 29 janvier 1842. Jusqu'au bout il niera la paternité des propos qui lui ont été attribués.

Merde alors!

Contact

Frank Grognet Nivelles
Belgique
hussardises@gmail.com