L'habit ne fait pas toujours le moine

17/04/2017 18:19

Nous sommes en pleine campagne de Russie, les Français viennent de livrer la bataille de Maloyaroslavets face aux Russes où les 15.000 hommes d'Eugène de Beauharnais parviennent à forcer le passage, mais Napoléon hésite et décide d'aller reconnaître le dispositif russe en compagnie des maréchaux Berthier, Murat, Bessières et des généraux Rapp et Caulaincourt.

Berthier essaya de le convaincre de ne pas sortir car il ne connaît pas les positions des unités et il fait encore nuit. Il y avait un risque que les cosaques surgissent. Napoléon se retrouve seul avec Berthier et Caulaincourt, ils ne voient pas à 20 mètres mais entendent des cris et le bruit des coups de sabre. Ils tirent leur épée. Soudain, une nuée de cosaques apparaît du brouillard et charge la petite troupe. L'escadron de service des lanciers polonais de la Garde, commandé par Kozietulski, accourt et engage les cavaliers russes, recevant l'appui des chasseurs à cheval de la Garde. La mêlée s'engage, confuse. Arrivent les dragons de l'impératrice suivis des grenadiers à cheval de la Garde impériale.


Napoléon et son état-major surpris par des Cosaques de Jan Van Chelminski (1851-1925)

C'est alors que survient un événement assez insolite.
Lors de l'affrontement, le Colonel Charles-Emmanuel baron Le Couteulx de Canteleu, aide de camp du Maréchal Berthier, vêtu d'un manteau masquant son uniforme français, s'empare d'une lance prise à un cosaque: aussitôt un grenadier à cheval le prend en chasse, l'ayant confondu avec un cosaque russe et le blesse grièvement de son sabre.

La cavalerie de la Garde parvient finalement à disperser les assaillants qui disparaissent dans la nuit. Le chef d'escadron Kozietulski est blessé d'un coup de lance et six de ses lanciers sont tués. Les chasseurs à cheval de la Garde perdent neuf tués, le chef d'escadron et six autres chasseurs blessés.

Napoléon a échappé de peu à la capture et se munira dorénavant d'une fiole de poison qu'il utilisera 2 ans plus tard lors de sa première abdication à Fontainebleau, mais le poison sera alors éventé et sans effet.

Le fameux Sergent Bourgogne relate cet événement dans ses Mémoires.

A peine était-il [Napoléon] parti, que nous entendîmes un grand bruit; un moment nous crûmes que c’étaient des cris de « Vive l’Empereur ! » mais nous entendîmes crier: « Aux armes ! » C’étaient plus de 6 000 Cosaques commandés par Platov, qui, à la faveur du brouillard et des ravins, étaient venus faire un hourrah. Aussitôt les escadrons de service de la Garde s’élancèrent dans la plaine; nous les suivîmes, et, pour raccourcir notre chemin, nous traversâmes un ravin. Dans un instant nous fumes devant cette nuée de sauvages qui hurlaient comme des loups et qui se retirèrent. Nos escadrons finirent par les atteindre et leur reprendre tout ce qu’ils avaient enlevé de bagages, de caissons, en leur faisant essuyer beaucoup de pertes.
Lorsque nous entrâmes dans la plaine, nous vîmes l’Empereur presque au milieu des Cosaques, entouré des généraux et des officiers d’ordonnance, dont un venait d’être dangereusement blessé, par une fatale méprise: au moment où les escadrons entraient dans la plaine, plusieurs de ses officiers avaient été obligés, pour défendre l’Empereur, qui était au milieu d’eux et qui avait failli être pris, de faire le coup de sabre avec les Cosaques. Un des officiers d’ordonnance, après avoir tué un Cosaque et en avoir blessé plusieurs autres, perdit, dans la mêlée, son chapeau, et laissa tomber son sabre. Se trouvant sans armes, il courut sur un Cosaque, lui arracha sa lance et se défendit avec. Dans ce moment, il fut aperçu par un grenadier à cheval de la Garde, qui, à cause de sa capote verte et de sa lance, le prit pour un Cosaque, courut dessus et lui passa son sabre au travers du corps.
Le malheureux grenadier, désespéré en voyant sa méprise, veut se faire tuer ; il s’élance au milieu de l’ennemi, frappant à droite et à gauche ; tout fuit devant lui. Après en avoir tué plusieurs, n’ayant pu se faire tuer, il revint seul et couvert de sang demander des nouvelles de l’officier qu’il avait si malheureusement blessé. Celui-ci guérit et revint en France sur un traîneau.
Je me rappelle qu’un instant après cette échauffourée, l’Empereur, étant à causer avec le roi Murat, riait de ce qu’il avait failli être pris, car il s’en est fallu de bien peu.

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Frank Grognet Nivelles
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