Inaccessible caillou

20/05/2017 12:39

Ce n’est pas pour rien que le gouvernement de sa très gracieuse majesté avait envoyé son plus illustre prisonnier moisir au fin fond de l’Atlantique sud sur un caillou désert et balayé par les vents, l’île de Sainte-Hélène. Il a fallu à l’époque plusieurs semaines de mers à partir de la France pour atteindre cette île perdue au beau milieu de l'océan austral.

Elle reste toujours aujourd’hui l'une des îles les plus inaccessibles au monde, car pour l'aborder, il faut se rendre en Afrique du Sud, prendre le bateau ravitailleur qui appareille une fois par mois et « profiter » de la croisière qui dure encore près d'une semaine. Autant dire qu’il faut être motivé pour s’y rendre.

Malgré cet isolement, près de 4.000 insulaires la peuple toujours, mais ce territoire britannique se vide lentement mais sûrement de sa population. C'est pourquoi le gouvernement britannique a décidé de désenclaver l’île en y lançant la construction d’un aéroport international. Cela permettra non seulement de faciliter les communications pour les insulaires, mais également d’essayer d’attirer les éventuels touristes. En effet, le territoire vit aujourd'hui sous perfusion des finances publiques britanniques et une manne touristique serait la bienvenue pour permettre à Sainte-Hélène d’enfin s'autofinancer.

Une fois la décision prise, il fallait trouver une zone suffisamment plane sur ce confetti pour y faire atterrir un avion de ligne. Les spécialistes sont rapidement arrivés à la conclusion que cela était uniquement possible en nivelant une montagne ! Coût de l’opération … plus de 300 millions d'euros.


Vue aérienne de la piste d'atterissage de l'île de Sainte-Hélène

Mais le problème n’était pas pour autant résolu car lorsque le premier Boeing 737 prévu pour le vol inaugural a essayé d’atterrir sur la piste, il a dû s’y reprendre à 3 reprises tant la violence des vents cisaillants balayaient latéralement la piste et leur direction pouvaient varier en quelques minutes.

Autant dire que les compagnies aériennes ne se bousculent pas au portillon pour venir desservir l’île et les habitants commencent à la sentir mauvaise devant les promesses non tenues. D'autant plus qu'une étude préalable aux premiers travaux avait clairement mis en évidence la dangerosité des vents tournants à l'endroit choisi pour implanter l'aéroport. Il faut maintenant, vu l’investissement consenti, que les spécialistes trouvent la parade pour neutraliser ces courants d'air importuns, sans quoi l’île ne sera desservie que par de petites appareils d’affaires peu sensibles à de telles turbulences.

Mais avait d’entreprendre ces travaux pharaoniques, les ingénieurs auraient mieux fait de lire ce célèbre naturaliste britannique qu'était Charles Darwin qui lors de son séjour à Sainte-Hélène en 1839 écrivait:

Les seuls désagréments auxquels j'ai été confronté durant mes promenades tiennent à l'impétuosité des vents. Un jour, j'ai noté un phénomène étrange: j'ai vu à quelques pas de moi une sterne qui luttait contre un vent très violent tandis que je ne percevais pas un souffle d'air.

Contact

Frank Grognet Nivelles
Belgique
hussardises@gmail.com