La mémoire populaire a essentiellement retenu de l'épopée napoléonienne les principaux affrontements terrestres des armées belligérantes de l'époque: Austerlitz, Iéna, Friedland, Eylau, Wagram, La Moskowa, Leipzig, Arcis-sur-Aube, Ligny ou Waterloo mais peu les affrontements navals qui ont été trop souvent signes de désastres pour l'empereur.
Si la plus sanglante journée de bataille terrestre est de loin celle de La Moskowa avec plus de 70.000 morts ou blessés pour les deux camps dont 49 généraux français et 24 russes, la bataille ayant vu s'affronter la plus grande masse d'artillerie pendant 3 jours fut sans conteste la bataille de Leipzig en octobre 1813 avec 700 canons français et 1.500 canons alliés. Mais même si ces chiffres semblent impressionnants, il faut les relativiser quand on les compare à ceux liés aux affrontements navals.
La bataille de Trafalgar vit s'affronter la flotte britannique à la flotte franco-espagnole le 21 octobre 1805. Riche de 27 vaisseaux de ligne, l'escadre britannique doit combattre 33 vaisseaux de ligne ennemis soit respectivement 18.500 marins contre 26.000. Mais ce qui impressionne ici est la quantité invraisemblable de canons embarqués, 5.980 au total, soit 2.974 canons pour les Franco-espagnols contre 2.506 canons pour les Britanniques! On a donc une proportion de 8.7 marins par canon pour les Français et 7.4 marins pour les Britanniques!
Mort de Churruca à Trafalgar par Eugenio A. Dumont (1892, musée du Prado)
Commandant du vaisseau espagnol San Juan Nepomuceno
Au niveau des pertes, elles sont aussi hallucinantes avec 43% des bâtiments français capturés ou détruits pour aucun du côté anglais. 22% des marins français ont péri ou ont été blessés pour seulement 9% du côté des marins de sa très gracieuse majesté. Finalement 31% des marins français ont été fait prisonniers par l'ennemi. Mais le plus impressionnant sont les pertes au sein de certains bâtiments français et espagnols: plus de 55% pour le San Augustin, 82% pour le Redoutable, 84% pour Le Fougueux et 85% pour l'Achille qui a le plus souffert.
Pourcentage de pertes dans la flotille espano-française à Trafalgar
Ce qui explique en partie cette hécatombe est résumé en quelques points:
- La Royal Navy dispose en outre de son artillerie classique, de très gros canons appelés caronades (voir article). Il s'agit de canon de faible portée, faciles à utiliser et pouvant cribler de mitraille sur les ponts les équipages adverses à courte distance. Du côté des coalisés, les caronades sont peu voire pas utilisées.
- Nelson dispose de sept vaisseaux à trois ponts dominant de leur imposante taille les deux-ponts adverses. Du côté de la flotte coalisée, les Espagnols alignent quatre vaisseaux à trois ponts et les Français aucun.
- Nelson dispose d'un corps de capitaines exceptionnellement compétents, expérimentés et complètement dévoués.
- Les marins anglais sont supérieurs aux Français et aux Espagnols, issus d'écoles de marine réputées. Leur tir est précis, rapide et dévastateur.
- Les vaisseaux britanniques tirent plus vite que les coalisés et des deux bords à la fois ce qui causa des ravages lorsque les bâtiments anglais vinrent briser la ligne coalisée et s'insinuer entre les proues et les poupes des navires adverses les prenant en enfilade dans une zone non armée de ces derniers.