Difficile à raser

25/03/2017 16:29

Nous avons vu dans un précédent article que l'Empereur prenait soin de sa toilette et dans un autre qu'il s'appliquait à se raser lui-même, mais son barbier attitré était son fidèle valet Constant qui dans ses Mémoires (tome I, page 170), relate l'épique épisode du rasage journalier de Napoléon:

Je m'étais fait depuis long-temps apprendre à raser. J'avais payé des leçons à un perruquier pour qu'il m'enseignât son métier, et je m'étais même, à mes momens de loisir, mis en apprentissage chez lui, où j'avais indistinctement fait la barbe à toutes ses pratiques. Le menton de ces braves gens avait eu passablement à souffrir avant que j'eusse assez de légèreté dans la main pour oser approcher mon rasoir du menton consulaire. Mais à force d'expériences réitérées sur les barbes du commun, j'étais arrivé à un degré d'adresse qui m'inspirait la plus grande confiance. Aussi, sur l'ordre du premier consul, j'apprête l'eau chaude et la savonnette, j'ouvre hardiment un rasoir, et je commence l'opération. Au moment où j'allais porter le rasoir sur le visage du premier consul, il se lève brusquement, se retourne, et fixe ses deux yeux sur moi avec une expression de sévérité et d'interrogation que je ne pourrais rendre. Voyant que je ne me troublais pas, il se rassit en me disant avec plus de douceur: "Continuez" ce que je fis avec assez d'adresse pour le rendre très satisfait. Lorsque j'eus fini: "Dorénavant, c'est vous qui me raserez." Et depuis lors, en effet, il ne voulut plus avoir d'autre barbier que moi. Dès lors aussi mon service devint beaucoup plus actif; car tous les jours j'étais obligé de paraître pour raser le premier consul, et je puis assurer que ce n'était pas chose facile à faire. Pendant la cérémonie de la barbe, il parlait souvent, lisait les journaux, s'agitait sur sa chaise, se retournait brusquement, et j'étais obligé d'user de la plus grande précaution pour ne point le blesser. Heureusement ce malheur ne m'est jamais arrivé. Quand par hasard il ne parlait pas, il restait immobile et raide comme une statue, et l'on ne pouvait lui faire baisser, ni lever, ni pencher la tête, comme il eût été nécessaire, pour accomplir plus aisément la tâche. Il avait aussi une manie singulière, qui était de ne se faire savonner et raser d'abord qu'une moitié du visage. Je ne pouvais passer à l'autre moitié que lorsque la première était fini. Le premier consul trouvait cela plus commode.

Même son secrétaire Bourrienne écrivit qu'il était très surpris que son valet (Constant) ne l'ait jamais coupé quand l'eEmpereur lisait car à la moindre information intéressante, il se retournait brusquement vers lui...


Scène de film où l'on voit l'Empereur se faire raser par son valet Constant

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Frank Grognet Nivelles
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