Colonnes infernales

24/06/2017 16:18

Obéir aux ordres n'est pas toujours chose aisée, mais en qualité de militaire et à fortiori d'officier, l'obéissance aveugle aux ordres est indissociable de l'esprit militaire sans quoi toute cohérence de l'édifice militaire serait compromise. Une telle vertu mène parfois ceux qui l'appliquent à la gloire ou alors au déshonneur.

Vous ne connaissez sans doute pas Louis Marie Turreau de Lignières dit Turreau de Garambouville, général français de la Révolution puis de l'Empire. Pourtant son nom est gravé en lettres éternelles en tête de la 15ème colonne du pilier est de l'Arc de Triomphe de l'Étoile, signe d'une reconnaissance éternelle de la Nation envers lui. Et pourtant...

Bien qu'étant issu d'une famille noble, il devient dès 1789 un fervent révolutionnaire. Mais tous les Français n'embrassent pas la cause révolutionnaire et dans l'ouest de la France, les Chouans restent fidèles à la monarchie et défient le nouveau pouvoir en place. Cela donnera lieu aux terribles guerres civiles de Vendée de 1793 au début 1796 qui feront plus de 200.000 morts.

Nommé en 1793 commandant en chef de l'armée de l'Ouest, Turreau de Garambouville rejoint sans enthousiasme sa nouvelle affectation, mais va quand même marquer au fer rouge son passage dans la région, c'est le moins que l'on puisse dire...

Considérées par la Convention nationale comme un coup de poignard dans le dos, les émeutes royalistes dans l'ouest du pays doivent être réprimées dans le sang et la Convention réclame alors purement et simplement la destruction de la Vendée et l'extermination des insurgés. Voici les articles précis qui illustrent bien la volonté d'anéantissement de la région:

Article 6 : Il sera envoyé en Vendée des matières combustibles de toutes sortes pour incendier les bois, les taillis et les genêts.
Article 7 : Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées par les compagnies d'ouvriers, pour être portées sur les derrières de l'armée, et les bestiaux seront saisis.
Article 8 : Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l'intérieur; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sécurité avec tous les égards dus à leur humanité

On notera quand même la distinction claire entre, d'une part, la destruction systématique et programmée des lieux et, d'autre part, la protection désirée des femmes, enfants et vieillards. La réalité sera toute autre...

Ayant d'abord proposé au Comité de Salut Public la pacification de la région, le général optera finalement pour une stricte application des décrets de la Convention, sa proposition d'amnistie étant restée sans réponse. Il met alors sur pied les tristement célèbres colonnes infernales. Il s'agit de 12 colonnes militaires qui vont sillonner en parallèle le pays rebelle d'est en ouest et semer la destruction et la mort derrière elles. On estime aujourd'hui que près de 20.000 à 40.000 personnes périront en à peine quatre mois. Arrêté et incarcéré une année, il est jugé et réhabilité; il est alors autorisé à  rejoindre l'armée où il poursuivra sa carrière sans plus jamais être inquiété.


Illustration des exactions faites par les colonnes infernales

Sous l'Empire, il sera ambassadeur aux États-Unis, sera fait baron puis commandera plusieurs places militaires. À la première Restauration en 1814, il se ralliera au roi Louis XVIII qui le fera citer pour l'obtention de la croix de Saint-Louis, un comble. Mais le général mourra avant d'avoir pu recevoir sa distinction royale.

Alors que Louis XVIII veut rendre hommage à ses fidèles vendéens lors d'une tournée en Vendée, il désire se faire entourer de plusieurs personnalités et il pense tout naturellement à Turreau, mais son entourage l'en dissuade rapidement

Non Majesté, surtout pas celui-là !

On les comprend...

Plus proche de nous, le célèbre historien français ira même jusqu'à dire de l'infernal général que son nom déshonore le côté est de l'Arc de Triomphe de l'Étoile.

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Frank Grognet Nivelles
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