Fer de Berlin

21/05/2017 15:28

Le monument prussien de Plancenoit érigé en 1818 est un monument commémoratif situé en bordure du champ de bataille de Waterloo pour célébrer l'action décisive des troupes du maréchal Blücher durant la dite bataille. La tradition voudrait que le monument ait été établi sur une petite hauteur d’où une batterie française fit subir de lourdes pertes aux troupes prussiennes.


Monument prussien de Plancenoit

Le monument est de style néo-gothique constitué d'un socle et d'un piédestal en pierre bleue portant une flèche surmontée d’une croix représentant la décoration de la Croix de fer instituée en 1813 par le Roi Frédéric-Guillaume III de Prusse. Elle est ornée du millésime 1813, de feuilles de chêne, des initiales du roi FW (Friedrich-Wilhelm) et d'une couronne.


Sommet du monument avec la croix prussienne

Sur sa face sud, une inscription en lettres gothiques dorées rend hommage aux héros tombés lors de la bataille.


Détail de l'inscription aus héros tombés pour la Patrie

Die gefallenen Helden ehrt dankbar König und Vaterland. Sie ruhn in Frieden.
Belle-Alliance
Den 18. Juni 1815.

(Aux héros tombés, le Roi et la Patrie reconnaissants. Ils reposent en paix.
Belle-Alliance, 18 juin 1815.)

En 1832, les soldats français du maréchal Gérard, héros de Ligny, en route vers Anvers pour bouter les Hollandais hors du territoire de la fraîchement indépendante Belgique, vandalisèrent le monument en abattant la croix. Le maréchal qui avait combattu les Prussiens à Ligny et à Wavre fit rétablir la croix sur le monument. Il faut savoir que c'est l'état allemand qui est responsable de l'entretien de ce monument qui fut maintes fois restauré; en 1832, 1944, 1965 et 1997. Afin d'éviter de nouvelles déprédations, l'Allemagne fit mettre une grille en fer forgé, dissuasive, autour du monument.

Mais hormis l'intérêt historique incontestable de ce monument, il revêt également une symbolique toute prussienne. En effet, le monument néogothique est en fer de Berlin (improprement appelé de la sorte vu qu'il s'agit de fonte), et non en fer comme trop souvent incorrectement signalé.

Mais quelle est la différence entre le fer, la fonte et l'acier?

Le fer est un élément chimique de base (Fe); c'est un métal blanc, dur et malléable, mais rarement utilisé tel quel vu sa haute corrosion. On a alors recours à des alliages principalement en lui associant du carbone (C) afin d'augmenter sa résistance. La différence entre la fonte et l'acier réside dans le pourcentage de carbone contenu dans la matière. Alors que l'acier en possède entre 0,02 % et 2 %, la fonte monte de 2 % à 6,67 % de carbone. Plus le matériau a un taux de carbone élevé, plus il sera résistant aux frottements, mais sera alors plus cassant face aux chocs et acceptera moins les déformations. C'est pour cela que la fonte s' effrite et ne peut être utilisée dans la fabrication de pièces mécaniques, par contre elle est utilisée pour la confection d'objets massifs (radiateur, poêle, enclume) car elle n'est pas chère et aussi dans la réalisation de monuments car elle peut plus facilement être moulée.

L'architecte Karl Friedrich Schinkel a réalisé ce tabernacle en fonte pour faire référence à la symbolique associée à la joaillerie en fer de Berlin. 

La joaillerie en fer de Berlin trouve ses racines dans l'établissement de la Fonderie Royale de Berlin (Königliche Eisengiesserei bei Berlin) en 1804. Cette fonderie démarra sa production de biens en fer tels que des vases, des porte-couteaux, des candélabres, des bols, des plaques et médaillons, ou encore des clôtures, des ponts et des meubles de jardin. Les premiers articles de joaillerie comme les longues chaînes furent produites dès 1806. Plus tard, des colliers avec médaillon furent manufacturés. Quand Napoléon prit Berlin en 1806, les moules ayant servis à la fabrication furent envoyés en France où une production prit place pour plusieurs années. La production de ce type de joaillerie atteignit son apogée entre 1813 et 1815, quand la famille royale prussienne demanda en urgence à ses citoyens de contribuer avec leur or et leur argent à l'effort de guerre pour permettre de lutter plus efficacement contre Napoléon. En retour, le peuple recevait de la joaillerie de fer telle que des broches et bagues, fréquemment avec l'inscription Gold gab ich für Eisen (Je donne de l'or pour du fer) ou Für das Wohl des Vaterlands (Pour le bien-être de la patrie) ou encore avec le portrait de Frédéric-Guillaume III de Prusse sur le revers. Jusqu'alors, la joaillerie de fonte était exclusivement portée en signe de deuil, essentiellement par le fait de sa couleur noire et de son peu de valeur pour séduire, mais subitement elle devenait un symbole de patriotisme et de loyauté.


Bijou en fer de Berlin

Pour produire des pièces si détaillées et fines en fer de Berlin, un fer très pur était requis ne contenant pas plus de 0.7% de phosphore. Cela permettait d'obtenir un fer fondu un peu plus liquide idéal pour être coulé dans des moules refroidis et en épouser tous les contours détaillés. Le désavantage est que cette fonte au phosphore est plutôt dure et cassante, ce qui n'est pas un problème en matière de joaillerie, mais qui en matière architecturale l'exposer facilement à des dégâts ou déprédations éventuelles comme lors du passage des troupes françaises à Plancenoit en 1832...

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Frank Grognet Nivelles
Belgique
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