Jusqu'aux guerres de la Révolution et de l'Empire, les officiers généraux et maréchaux étaient souvent en première ligne pour montrer l'exemple à la troupe et ont payé de leur vie leur témérité et leur courage. Quand on les compare à leurs successeurs lors de la Première Guerre mondiale où, bien au chaud dans leurs somptueux châteaux ou villas cossues, il déplaçaient des milliers d'hommes sur leurs cartes de bataille en les envoyant sans remords à la mort, il faut rendre un hommage vibrant à ces généraux révolutionnaires et napoléoniens qui ont bravé la mitraille et les pluies de boulets pour défendre leur conviction et leur liberté fraîchement acquise.
Durant les guerres dites révolutionnaires et napoléoniennes qui se sont déroulées de 1792 à 1815, les officiers généraux et maréchaux ont payé un lourd tribu. Sur un total de 2.700 officiers généraux durant cette période, 271 sont morts au champ d'honneur soit 10% de l'effectif global. Chapeau bas Messieurs les généraux, vous avez tout mon respect!
Je vous propose de le constater au travers de statistiques générales qui reprennent non seulement où, quand mais aussi comment ils ont donné leur vie pour leur idéal.
Le premier tableau reprend l'évolution annuelle des officiers généraux et maréchaux morts entre 1792 et 1815. On voit que cette évolution coïncide bien sûr avec les campagnes de la Révolution et de l'Empire et les périodes de paix relative comme entre 1801 et 1804 par exemple. On constate aussi l'accroissement progressif des morts entre la Révolution et l'Empire. On remarque également le nombre relativement bas de morts de généraux au début de l'Empire comparativement aux hécatombes des campagne d'Autriche en 1809 et celles de Russie (1812) et de Saxe (1813) qui coïncident avec le déclin de l'Empire.
Si l'on regarde en détail au niveau des campagnes et des batailles, nous arrivons aux tableaux ci-dessous. Les deux campagnes les plus meurtrières furent sans conteste la période espagnole et portugaise qui s'est étalée sur 7 ans de 1807 à 1814 (48 officiers généraux morts) et bien sûr la très meurtrière campagne de 1813 en Saxe qui a elle seule comptabilise 41 officiers généraux morts y compris 2 maréchaux: Bessières à Rippach et Poniatowski à Leipzig. La Russie vu son ampleur arrive en troisième position avec 32 généraux qui y succombèrent. Loin derrière viennent les campagnes d'Autriche avec 17 morts dont le Maréchal Lannes à Essling et l'Egypte avec 13 morts. Avec le même nombre, la campagne de 1815 en Belgique se hisse en 6ème position. La première campagne d'Italie de 1796 à 1797 et celle de Pologne en 1807 complètent le classement avec 12 morts chacune.
Les deux premières batailles les plus meurtrières se situent logiquement durant les deux campagnes les plus meurtrières, à savoir la bataille de Leipzig qui s'est déroulée du 16 au 19 octobre en Saxe (2.200 canons présents sur le champ de bataille!) et la bataille de la Moskowa ou dite de Borodino par les Russes le 7 septembre 1812. On constate que 4 batailles sur les 7 premières se situent entre 1812 et 1815 qui marquent le déclin de l'Empire. Deux font partie de la campagne d'Autriche de 1809 dans laquelle on a constaté les premières attaques de masse au détriment d'attaques plus tactiques et moins onéreuses en troupes engagées. La bataille d'Eylau fait preuve d'exception en 1807 vu l'acharnement particulier montré par les belligérants de l'époque.
Nous reprenons dans le tableau suivant le détail des effectifs (hommes et canons) des belligérants et les morts et blessés dans chaque camp.
Autre statistique intéressante est la manière avec laquelle les généraux et maréchaux sont passés de vie à trépas comme l'illustre le tableau suivant. On voit que de loin c'est le fusil et le canon qui cause le plus de morts, ce n'est pas pour rien que ces dernières armes étaient respectivement appelées le crucifix à ressort et le brutal.
La dernière statistique reprend les pays les plus meurtriers où sont tombés les officiers généraux, à mettre en rapport avec le tableau des différentes campagnes les plus meurtrières. Ainsi l'Allemagne actuelle a été le théâtre du plus grand nombre de morts parmi les généraux et maréchaux et symptomatiquement également la France avec la part importante due aux guerres de la Révolution.
Au total, Napoléon a remporté 44 batailles rangées plus 13 autres combats et perdu seulement 5 batailles rangées et 2 batailles navales. De 1793 à 1815, toutes ces batailles ont coûté la vie à près d'un million hommes de toutes les nationalités, dont 400.000 français. A titre de comparaison les trois principaux conflits qui ont suivi ont été nettement plus meurtriers vu l'augmentation considérable de la puissance de feu et la mondialisation du conflit. La guerre franco-prussienne de 1870 avait mobilisé autour d'un million et demi de troupes de part et d'autre et avait occasionné 140.000 morts dans chacun des deux camps. La Première Guerre mondiale verra s'affronter 43 millions d'alliés contre 25 millions d'adversaires et fera au total près de 40 millions de morts. Le second conflit mondial sera encore plus meurtrier avec près de 70 millions de morts militaires et civils.