Le GénéraI Bonaparte n'a jamais lésiné pour payer de sa personne lors des multiples affrontements auxquels il a participé, n'hésitant pas à diriger lui-même ses troupes ou à s'exposer aux feux de l'ennemi.
Alors qu'il assistait à un combat opiniâtre en qualité de commandant en chef de l’armée d’Italie, partout où le danger était le plus imminent, il donnait lui-même ses ordres avec son sang-froid légendaire, s’exposant comme le dernier des soldats.
Le voyant ainsi prendre des risques inconsidérés, un sapeur lui dit dans son langage franc et sec des soldats de l'époque:
Eloignez-vous !
Napoléon le regarde dubitatif. C'est alors que le vieux soldat le pousse rudement en lui adressant ces mots qui sont sans doute le plus bel éloge des talents militaires de Bonaparte:
Si vous vous faites tuer, qui voulez-vous qui nous tire de là?
Bonaparte comprit tout le poids de cette évidence et garda le silence. Après la bataille dont l'issue fut favorable aux drapeaux républicains, Napoléon fit venir le brave sapeur, et lui frappant sur l’épaule, il lui dit:
Ta noble hardiesse a mérité mon estime; ta bravoure doit être récompensée; dès ce moment, au lieu de ta hache, tu porteras une épaulette.
Nous voyons combien à l'époque le mérite était récompensé sur les champs de bataille et non pas, comme auparavant, dans des alcôves feutrées où l'on intriguait pour obtenir les bonnes grâces des puissants. On comprend mieux alors pourquoi ces soldats enduraient les pires sévices durant les interminables campagnes impériales car il savait que le Petit Tondu les partageait avec eux comme un père envers ses enfants.