Shocking

27/02/2016 11:30

Lors du bicentenaire de Waterloo, j'ai écumé les librairies à la recherche de nouveaux livres qui me permetteraient de me documenter encore plus sur l'illustre bataille. Soucieux d'équilibrer les points de vue aussi bien du côté français que britannique, j'ai acquis le livre de Stephen Clarke intitulé Comment les Français ont gagné Waterloo. Tout un programme! En achetant ce livre, j’ai ressenti comme une certaine appréhension qu’il n’allait pas me décevoir mais pas comme on pourrait le croire.

En effet, même si cet auteur originaire des îles britanniques se targue de mettre en évidence la difficulté ou le refus des Français d’accepter l’humiliante défaite de Napoléon dans les plaines brabançonnes de notre cher pays, dès les premières pages, on sent transpirer la suffisance toute britannique qui a marqué le XIXe siècle et qui continue à faire des émules au sein de l’Union Européenne comme nous avons pu le constater avec la récente mascarade du Brexit. Vivre sur une île marque apparemment de manière indélébile les esprits.
Je tiens à signaler que je ne suis pas Français mais Européen et que si nous voulons construire un semblant d’Europe Unie, il est grand temps que les mentalités changent et que l‘hégémonie que certains pays ont eu à une période de leur histoire et qu’ils ont du mal à oublier est révolue.

Non content de fustiger la position française, ce scribouillard insulaire insulte dès le premier chapitre, nous, les bons petits belges. Je cite : « Les Belges firent venir le peintre Dumoulin [peintre du Panorama à Waterloo]… pour commémorer le centenaire du plus fameux événement historique qui ait jamais eu lieu dans leur pays (en dehors, peut-être, de l’invention de la gaufre) ». Shocking comme diraient les habitants d’Outre-Manche. Il serait trop long ici de faire la longue liste des événements prestigieux qui ont eu lieu sur notre bonne terre belge et les illustres personnages qui y ont habité, et je renvoie l’auteur à ses livres d’histoire qu’il a apparemment survolé ou alors ces derniers n’étaient consacrés visiblement qu'à l’apologie de l’histoire de son île. Je lui dirais simplement que si la bataille de Waterloo est un événement prestigieux et connu de l’histoire, c’est qu’il est lié au plus prestigieux et au plus génial des généraux de l’Histoire et non pas à un sombre général irlandais qui ne doit sa gloire que par le fait qu’il a croisé la route de ce génial manœuvrier qu’étant Napoléon et qu’il a surtout pu compter sur la pugnacité du maréchal prussien Blücher qui lui a sauvé la mise, mais nous y reviendrons.

Pour la petite histoire, je rappelle à toutes fins utiles que certains prestigieux sujets de sa très « gracieuse » majesté ont aussi parfois eu du mal à digérer de cuisantes défaites pendant des siècles. Prenant l’exemple du bien connu Winston Churchill, descendant du célèbre 1er duc de Malborough. Winston dit dans ces mémoires que la bataille de Waterloo n'a pas eu lieu. Comment cela est-il possible d’affirmer une chose pareille ! En réalité, le Premier ministre britannique ne parle pas du combat qui mit fin à la prestigieuse épopée napoléonienne, le 18 juin 1815, mais bien à la bataille qui opposa 110 ans plus tôt, le 17 août 1705, son illustre ancêtre, le duc de Marlborough, à un certain Jacques Pastur, petit gars du pays au service de Louis XIV. Il s’agit d’un épisode de la guerre de succession d'Espagne, qui mit aux prises la France et l'Espagne face notamment aux Provinces-Unies et à l'Angleterre. Cet affrontement fut la réelle première bataille de Waterloo. Deux autres batailles auront lieu plus tard au même endroit dont la fameuse défaite de Napoléon. Mais, comme par hasard, cette première bataille a été royalement ignorée et minimisée par les historiens anglais. Pourquoi ? Sans doute parce que c’était une défaite et qui plus est entre un noble seigneur anglais et un cul-terreux belge qui n’avait pour seules richesses que son ardeur au combat, son courage, son patriotisme et défendait son sol.

L’auteur illustre dans ses propos la part trop belle donnée encore aujourd’hui au perdant par rapport au vainqueur, mais sans Napoléon, Wellington n’est rien et aurait disparu dans les oubliettes de l’Histoire.
Si l’on veut vraiment donner, comme le dit l’auteur, une vue plus équilibrée et historiquement exacte de la bataille, il faudrait non pas glorifier le duc de fer (surnom octroyé non pas pour sa résistance au combat à Waterloo, mais plutôt pour son inflexibilité politique qui l’on obligé en 1832, après un indicent, à faire installer des rideaux de fer devant les fenêtres de sa résidence londonienne de Apsley House afin de prévenir toute destruction par les émeutiers, nettement moins glamour, n’est-il pas ?), mais plutôt porter aux nues les Prussiens et plus particulièrement le maréchal Blücher, réel artisan de la victoire.

En effet, même si Waterloo reste avant tout une victoire collective des forces alliées présentes le 18 juin 1815, sur les 68.000 hommes de l’armée anglo-hollando-belge présents sur les hauteurs de Mont-Saint-Jean, seulement un tiers était britannique, pour un tiers hollando-belge et un tiers germanique, formé de contingents allemands du Hanovre, de Nassau, de Brunswick et de la Légion allemande du Roi. Si l’on y ajoute les 30 à 35.000 prussiens qui déboulèrent sur l’aile droite française dans le courant de l’après-midi, on peut affirmer sans peine qu’un combattant sur deux était germanique et qu’un combattant sur quatre à peine était britannique. Le Duc de Wellington a reconnu lui-même dans sa dépêche du 19 juin à Lord Bathurst « I should not do justice to my own feelings, or to Marshal Blücher and the Prussian army, if I do not attribute the successful result of this arduous day to the cordial and timely assistance I received from them. The operation of General Bülow upon the enemy’s flank was a most decisive one.” (Je dois rendre justice au Maréchal Blücher et à l’armée prussienne, en attribuant l’heureux résultat de cette terrible journée aux secours qu’ils m’ont donnés à propos. L’action du Général Bülow sur le flanc de l’ennemi fut une des plus importantes). 
Nous connaissons le chauvinisme français, et nous savons que pour un mangeur de grenouilles (froggy) il est difficile de reconnaître sa défaite, mais il ne faut pas oublier que durant la période napoléonienne qui a tenté de construire une première Europe, l'Angleterre va participer activement à plus de 7 coalitions d'abord contre la France révolutionnaire et ensuite contre l'Empire:

  • Première coalition (1792-1797)
  • Deuxième coalition (1798-1802)
  • Troisième coalition (1805)
  • Quatrième coalition (1806-1807)
  • Cinquième coalition (1809)
  • Sixième coalition (1813-1814)
  • Septième coalition (1815)

Et que pour soutenir ces coalitions, l'Angleterre va emprunter entre 5 à 7 fois la masse monétaire mondiale de l'époque pour envoyer au combat les autres puissances étrangères tout en restant bien au chaud sur son île et qu’elle sera très proche de la banqueroute. Pas étonnant que les Français parlent alors de perfide Albion. Si Napoléon, près de 750 ans après Guillaume le Conquérant, avait pu traverser la Manche en 1805 avec son armée d’invasion, il n’aurait fait qu’une bouchée de l’Angleterre et nous n’aurions plus entendu parler d’elle.
Les Européens continentaux ne mesurent pas à quel point l’Angleterre est une île et entend le rester. Ce qu’elle a toujours voulu éviter, c’est la formation d’une coalition européenne forte dont elle serait exclue. C’est la raison de son soutien inconditionnel aux différentes coalitions et de sa présence actuelle au sein de la Communauté Européenne. Par contre, c’est aussi la raison de son hostilité à plus d’intégration européenne et à l’euro. Elle ne quittera pas l’Europe, mais restera toujours en marge pour partiellement en freiner sa constitution et entraver son développement. Elle l’a encore démontré récemment avec la mascarade du Brexit.

Alors cher monsieur l’écrivain polémiste, ravalez votre arrogance toute britannique, retournez à vos livres d’Histoire et arrêtez de vouloir venir nous faire la leçon sur le Continent, abrité sur votre île. Et comme disait Napoléon :

L’Histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord !

God save Napoléon !

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Frank Grognet Nivelles
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