Comment se faire rembourser rapidement...
En 1802, durant le Consulat, lors d'une commémoration des fameux événements du 18 brumaire, le Premier Consul et sa famille s'étaient placés au balcon d'un pavillon pour mieux voir le feu d'artifices mais le dos tourné au public d'où fusèrent rapidement quelques sifflets. Piqué au vif, Bonaparte fit chercher le chef de sa Garde consulaire pour intervenir, il s'agissait alors du Général Lannes. Mais si ces troupes sont à leur poste, il n'en est pas de même du général qui s'est retiré dans son hôtel particulier. Le Premier Consul l'envoya chercher et lui fit reproche d'un ton courroucé:
Pourquoi, n'êtes-vous pas à votre poste? Rendez-moi compte de ces sifflets? Qui a sifflé? Les ministres des puissances étrangères sont aux fenêtres. Ils ont tous vu, tous entendu!
Jean Lannes, surpris des raisons de sa convocation lui répondit comme il le faisait d'habitude en le tutoyant comme un vieux frère d'armes:
Tu te fous de moi? Et moi, je me moque des sifflets. Ne faut-il pas que le peuple s'amuse? Il est en goguettes. C'est aujourd'hui fête!
Lannes, rappelez-vous que je suis premier consul. Et que je ne suis plus votre égal. Faites votre devoir!
Tu ne me disais pas cela à l'armée, quand tu avais besoin de moi; tes camarades te tutoyaient alors.
Général, rendez-vous aux arrêts sur le champ, je vous l'ordonne.
Le Général Lannes n'en fit rien et se retirant en vociférant alla s'enfermer dans son hôtel. À peine arrivé, il reçut du consul des lettres de créance près de la cour du Portugal, destinées à l'éloigner de Paris. Lannes précisa au messager sa réponse:
Dites au premier consul, que je ne sortirai de Paris que quand il me plaira.
Dès le lendemain, il se rendit au Trésor public et se fit annoncer au ministre de fonction. Lorsqu'il entra dans son cabinet, il déposa une paire de pistolets sur la table et tendit un écrit qui mentionnait:
Lors du passage des canons à travers les Alpes, avant la bataille de Marengo, moi, Général Lannes, ai prêté au Consul Bonaparte, 420.000 francs en lettres de change sur la banque de Venise. Je prie le citoyen.....de me faire compter la même somme sous cinq minutes.
Pris de panique, l'officier public paya sur le champ le général qui se retira satisfait.
Informé, Bonaparte convoqua son général aux Tuileries qui arriva en grande tenue. Pensant se faire une nouvelle fois tancer, il est accueilli par un premier consul doux et mielleux qui lui reproche gentiment son geste déplacé alors qu'il suffisait de lui adresser directement sa requête urgente. Il poursuivit en disant:
Il me faut un homme comme vous à la cour de Portugal, j'espère que vous ne me refuserez pas.
Maintenant que je suis payé, j'irai partout où tu voudras.
Quand voulez-vous partir?
Il me faut deux jours pour me préparer.
Deux jours plus tard, il quitte Paris pour Bordeaux, mais à peine a-t-il fait 10km qu'il est rattrapé par une troupe de 60 dragons qui l'arrêtent et l'emprisonnent sur ordre du gouvernement. Il sera libéré quelques jours plus tard et ira prendre son poste d'ambassadeur au Portugal. De retour deux ans plus tard, le Premier Consul lui rendit son estime et c'est lui alors qui commença à le tutoyer. En 1804, il le fera maréchal d'Empire.
Au fil des années, Lannes sera de plus en plus en désaccord avec son illustre frère d'armes et il n'hésitera pas à dire lors de son retour d'Espagne en 1808:
Ce foutu bougre de Bonaparte nous y fera tous passer!
Cinq ans plus tard, il perdra la vie à la bataille indécise d'Essling, un boulet lui brisant les rotules. Amputé, il agonisera 10 jours avant de mourir.
Napoléon sera très affecté par la mort de son ami et montra son chagrin toute la journée. Son fidèle Roustan le vit même pleurer en mangeant sa soupe. ll enverra une lettre à la Maréchale Lannes.
Ma cousine, le maréchal est mort ce matin des blessures qu'il a reçu au champ d'honneur. Ma peine égale la vôtre, je perds le général le plus distingué de mes armées, mon compagnon d'arme depuis 16 ans, celui que je considérais comme mon meilleur ami. Sa famille et ses enfants auront toujours des droits particuliers à ma protection. C'est pour vous en donner l'assurance que j'ai voulu vous écrire cette lettre, car je sens que rien ne peut alléger la juste douleur que vous éprouvez.