Coûte que coûte

26/08/2015 23:42

Le corps de Davout vient d'évacuer Moscou et il se dirige vers la ville de Malaïjaroslavetz où les 15.000 hommes d'Eugène tiennent la ville. Lors de cette bataille, un aide de camp du Maréchal Davout, le Colonel polonais (lithuanien) Kobilinski est atteint d'un boulet qui lui sectionne net la cuisse à la hauteur de la hanche. Laissé pour mort, il est découvert par le Maréchal Davout sur le champ de bataille s'élevant d'un tas de cadavres, couvert de sang et interpellant le maréchal:

Eh bien les camarades, me laisserez-vous mourir sans secours!

Mis aux bons soins du chirurgien du maréchal, ce dernier ne peut qu'assainir légèrement la blessure mais signale clairement à Davout que son aide de camp n'en a plus pour longtemps à vivre. Le lendemain, l'ordre arrive au maréchal de quitter la ville pour se rendre à Wilna. S'informant de l'état de son aide de camp, il apprend que ce dernier a passé la nuit et qu'il vit encore, trompant toutes les prévisions! Mais il était hors de question pour le maréchal de laisser son aide de camp en arrière à la merci des Russes. Il se présente alors auprès d'une compagnie de grenadiers et leur dit:

Soldats, mon aide de camp, le Colonel Kobilinski, a eu la cuisse emporté par un boulet. Polonais, il ne peut tomber au pouvoir des Russes, je vous le confie: soyez-lui en garde comme à votre drapeau!

Porté sur un brancard au milieu de la compagnie, le colonel blessé fut pris en charge par ses hommes d'élite dans le mouvement rétrograde de toute l'armée. La cruelle retraite commença et les Russes et le froid allaient faire de cruelles saignées dans la troupe impériale. Elle lutta contre le froid mordant, repoussa les charges successives de la cavalerie russe et au péril de sa vie, protégea son précieux fardeau.

Comment expliquer un tel dévouement? Car ce n'est pas leur vie qu'ils défendaient mais l'honneur fait à la requête d'un maréchal français qui compte bien plus.

Maintes fois le colonel supplia ses sauveurs de le laisser là et de continuer leur route, mais ils refusèrent à chaque fois en disant:

Mon colonel, mort ou vif nous vous ramènerons, c'est la consigne du maréchal, le reste à la grâce de Dieu!

La petite troupe se réduisit progressivement au fil des nuits glaciales et des combats incessants, mais maintenant Wilna était en vue! Il ne restait plus que 5 braves pour soutenir le blessé qui a survécu. Mais ce dernier effort en vue de la ville promise épuisa encore les survivants et trois tombèrent en vue du faubourg, les deux autres firent quelques pas encore, mais leurs forces les abandonnèrent et c'est seulement un seul grenadier qui finit par trainer le malheureux Kobilinsk à demi-mort aux portes de la ville. Aidé de quelques soldats, le brancard fut porté dans la maison où logeait le Maréchal Davout. Avec orgueil, l'unique survivant de cette épopée demanda à faire savoir au maréchal que la compagnie de grenadiers à laquelle il avait confié le Colonel Kobilinski ayant accompli sa mission, réclamait l'honneur de le lui présenter. Le maréchal ne se fit pas attendre et vint à la rencontre des soldats:

Où est mon aide de camp?

Ici!

Et la compagnie?

Voilà, mon maréchal...

Je demande la compagnie?

J'ai répondu: voilà!

Mais tes camarades?

C'est différent... Enfoncés... sous la neige!

Le maréchal, ému, prit le grenadier survivant dans ses bras. L'histoire n'a pas retenu le nom de ce brave soldat, mais 25 ans après, ce dernier s'attendrissait encore au souvenir de cette journée, la plus belle de sa vie entière, disait-il, car il avait sauvé les jours d'un colonel et reçu l'accolade d'un maréchal de France.

Le Colonel Kobilinski survécut à ses blessures et mourut préfet en 1860, soit 48 ans plus tard!

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Frank Grognet Nivelles
Belgique
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